Tu repars sur ta butte en tenant dans tes bras les premières épreuves corrigées. Tu as un noeud dans le ventre. Il n’y a que ceux qui ne vivent rien qui ne ressentent rien. 
C’est la première fois que tu vois ton livre imprimé sur papier. Imprimé. Comme si il prenait corps un peu plus encore. Même si ce ne sont que des feuilles volantes dans une pochette en plastique.
Tu l’as là contre toi. Tu as peur de le faire tomber. Peur d’un coup de vent qui le ferait s’envoler. Il n’y a pas de vent aujourd’hui sur Paris.
Tu montes dans le métro, ligne 4, direction Porte de Clignancourt. Tu le mets sur tes genoux. Tu devines la dame à côté qui lit discrètement le titre sur la première page. Tu te demandes si un jour tu monteras dans le métro et si tu verras quelqu’un en train de le lire. Vertige.
Une heure de réunion à la terrasse gelée d’un café de Saint-Germain des Prés pour essayer de deviner quel journaliste pourrait aimer. Prévoir. Communiqué de presse, rétro-planning, com digitale. « Et Le Figaro Littéraire?
Oui bien. 
Et Télérama? »
Tu les écoutes.
« Moi vous allez trouver ça dingue mais je voulais juste savoir si c’est complètement fou d’imaginer faire Busnel un jour. Non parce qu’en fait Milo m’a juste demandé si j’allais être invitée à la grande librairie. Le reste je crois qu’il s’en fout... »
Remonter sur la butte en tenant les premières épreuves corrigées serrées contre toi.
Si j’avais su j’aurais pris un grand sac pour pouvoir glisser la pochette dedans. Pour ne pas avoir peur que les feuilles s’envolent.
Aujourd’hui, il n’y a pas de vent sur Paris. Un jour les feuilles seront reliées entre elles pour ne plus s’envoler. Ce jour là, ce truc que tu tiens dans tes bras sera un livre que les gens pourront acheter dans une librairie de quartier. 
Mais ça tu préfères ne pas trop y penser. Parce que tu as déjà tellement peur. Alors tu préfères oublier.