Jour 8. 
Il y a ceux qui sortent courir parce qu’il faut bien que le corps exulte. Il y a ceux cachés derrière des persiennes closes qui les insultent. Il y a ceux qui vont faire leurs courses le sourire aux lèvres comme une façon de lutter contre l’anxiogénéité ambiante de la société confinée et ceux qui mettent trois masques et quatre paires de gants dans l’espoir de rester vivants. Ce sont ceux-là qui passent les pots de mozza à la javel avant de les ranger. Tant que c’est pas avant de les bouffer, ils pourraient en crever, comble de l’arroseur arrosé.
Il y a ceux qui s’ennuient ou qui prennent enfin le temps de se demander si ils ne sont pas passés à côté de leur vie. Ils n’avaient pas pris de nouvelles depuis longtemps, ces fantômes confinés dans un coin de l’esprit. Il écrit « tiens c’est drôle en triant de vieux papiers dans un carton du placard de l’entrée, je suis tombé sur ça. Comment tu vas? »
Elle, à l’autre bout de sms, de répondre le cœur battant à cette fenêtre ouverte sur l’océan comme un courant d’air froid qui vient enfin la faire palpiter parce que quelle que soit la façon dont on vit ce confinement, le plus dur est sans conteste qu’avec la liberté, on nous a pris l’imprévisibilité de la vie...
Parce que c’est ça qui la rend belle. Folle. Terriblement excitante et vivante.
Se réveiller le matin sans savoir ce qui va vous arriver aujourd’hui.
Se réveiller le matin et ne pas savoir, quel regard allez-vous croiser dans le métro, quelle main allez-vous effleurer dans la salle du photocopieur du bureau, celui avec qui vous devez déjeuner à midi va-t-il vous faire sourire, rire ou au contraire d’ennui mourir. 
Là, vous savez. Vous allez vous lever, enchaîner les web conf ou les confs call sans la moindre aspérité. La vie est devenue un vaste réseau social dématérialisé, sans peau, sans vent, sans bruit. 
Peut-être que votre téléphone va vibrer et que sur votre écran vous lirez un prénom confiné dans un coin de vos souvenirs et pendant un instant votre esprit va se remettre à rêver comme vous si dégustiez une madeleine de Proust.
Mon dieu, que l’imprévisibilité de la vie me manque.