"Elle regarde sa montre. 11h23.
Vous avez le numéro d’Air France ?
Oui Madame.
Vous pouvez les appeler s’il vous plait.
Le concierge compose le numéro, laisse sonner dans le vide. Elle sent son cœur battre plus fort, son dos se tendre. Elle attrape son Iphone, « Votre réservation », « Modifier un billet ».
C’est bon, laissez tomber.
Vous êtes sûre ?
Oui. Ma chambre est libre ce soir ?
Depuis une semaine, chaque matin, elle prononce la même phrase.
Ma chambre est libre ce soir ?
Elle sait. Il fut long à venir ce moment où la sensation pernicieuse, vicieuse, permanente d’être en train de crever par manque d’oxygène, cette boule à l’intérieur de son corps qui l’empêche depuis des semaines d’avaler, de respirer, de rire, de jouir, de chier, disparaisse.
Depuis des semaines, chaque repas est un effort. Elle mâche, longuement, jusqu’à faire de chaque aliment de la bouillie, seul moyen d’être sure qu’il ne reste pas bloqué dans sa gorge au moment de déglutir. Elle fuit tout ce qui résiste, la viande, les pommes. Ce serait quand même con de mourir étouffée par une pomme. Son estomac est en vrac. Comme elle.
Ma chambre est toujours libre ce soir ?
Chaque jour est un pas qui l’éloigne un peu plus de lui. Mais surtout, elle sait qu’il est en train de partir. C’est à son tour, enfin, de s’en aller. Elle sait que le camion devait de nouveau arriver devant la maison en briques rouge ce matin à 9h00 pour charger. Trois mois qu’elle attend ça, savoir, enfin, qu’il s’est barré, que sa butte est redevenue la sienne, à elle seule, et qu’elle ne risque plus de l’y croiser, de l’apercevoir à un feu rouge, ni même juste de savoir qu’il est là dans la rue d’à côté.
Son vol est à 14H00. Elle demande au concierge de réserver un taxi pour l’aéroport à 11h30. Depuis les attentats de Bruxelles, c’est ce qu’ils demandent. Elle atterrira à Paris ce soir à 19H30. Son déménagement sera terminé. Elle peut rentrer parce que lui s’en va. La maison de l’impasse sera de nouveau vide, volets fermés. Comme si tout cela n’avait jamais existé."
14 000 exemplaires vendus.
Vos mots chaque jour pour me dire merci d'avoir écrit cette histoire.
Merci à vous de la lire.
#ellevoulaitjusteetreheureuse